Projet de nouvelle charte au CSA

LA QUALITÉ DE LA VERSION AUDIODÉCRITE DES PROGRAMMES CINÉMATOGRAPHIQUES ET AUDIOVISUELS :

OUTIL D’ÉVALUATION et CHARTE DES BONNES PRATIQUES

PRÉAMBULE

La genèse d’un texte fédérateur

Œuvrer ensemble à la professionnalisation d’une pratique

Depuis dix ans, plusieurs textes ont signifié la nécessité de définir, d’organiser et d’accompagner une pratique audio-descriptive en essor constant. Ils ont chacun permis sans conteste de mesurer les enjeux d’un secteur professionnel en devenir. Aujourd’hui, seule la réflexion collective de ses différents intervenants garantira aux bénéficiaires déficients visuels une accessibilité de qualité, respectant en même temps l’égalité et les droits des personnes handicapées – objectif visé par la loi du 11 février 2005 – les œuvres et leurs auteurs.

Il faut remonter à fin 2015 pour comprendre les circonstances particulières qui sont à l’origine de notre réflexion actuelle. À cette période, l’alerte lancée par de nombreuses associations en direction du C.S.A met en lumière « l’absence ou la mauvaise qualité de l’accessibilité des programmes » notamment dans le traitement de l’actualité. C’est pourquoi le Conseil, soucieux d’exercer un contrôle plus strict en la matière, a confié à la société Avamétrie le soin de réaliser une Étude relative au contrôle du respect et de la qualité des obligations des chaînes en matière d’accessibilité des programmes. Publiés en avril 2017, les résultats de cette étude ont notamment confirmé la baisse de la qualité des Versions Audio-Décrites (VAD) et ont donné lieu, comme le Conseil s’y était engagé, à une restitution organisée en « Cycles d’auditions » à l’adresse des chaînes de télévision concernées et des principales associations. L’organisation encore balbutiante de la profession n’a malheureusement pas permis de réunir un quorum représentatif d’intervenants du secteur – ainsi par exemple, un nombre restreint d’auteurs ont été conviés à ces réunions qui se sont tenues en juillet 2017.

À l’issue de cette étape, il a été exposé que : « les représentants des associations ont conscience de la nécessité de redéfinir un cadre pour les nouveaux entrants dans le secteur de l’audiodescription mais également pour les chaînes qui ont besoin d’avoir un outil, reconnu par tous, leur permettant d’évaluer la qualité de l’audiodescription qu’elles proposent ». Les rares auteurs présents ont sollicité le Conseil pour qu’il leur permette de se réunir en plus grand nombre afin de déterminer une position commune. Au regard de son engagement, s’agissant de l’accessibilité des programmes et de son travail de sensibilisation auprès des éditeurs concernant la qualité des flux d’accessibilité, le Conseil a accepté d’accueillir ces réunions. S’il ne possède pas l’expertise pour définir ces grands principes à suivre, il est néanmoins très soucieux de porter et de soutenir avec rigueur ce projet.

Pour leur part, les auteurs audiodescripteurs indépendants, exerçant depuis plus de dix ans, constatent une dégradation croissante des conditions de travail (délais souvent réduits de moitié, rémunération en baisse d’environ 40% en 10 ans dans la majorité des cas, nouveaux venus nombreux et non ou mal formés), impactant de manière flagrante la pertinence des adaptations. Aussi s’entendent-ils, malgré la divergence de leurs pratiques, pour revenir sur les fondamentaux et pour poser des principes méthodologiques visant à revaloriser la réalisation des VAD.

De son côté, la CFPSAA réfléchit depuis plusieurs années aux attentes des téléspectateurs déficients visuels. Elle a rédigé, avec le concours de l’association Retour d’image, un texte très synthétique rassemblant leurs conclusions. Dans l’urgence de participer pleinement à la réflexion actuelle, la CFPSAA a pris l’initiative de transmettre ce texte aux diffuseurs. Ce texte nourrit la réflexion en cours, au même titre que le travail des différents contributeurs. Ainsi espérons-nous un document unique, consensuel et fort, pour être présenté par le CSA comme « le document de référence à suivre auprès des éditeurs ».

Dans cette optique d’un document unique, et devant la parenté des pratiques audio-descriptives à destination des programmes cinématographiques et audiovisuels, il nous apparaît nécessaire d’associer le CNC à la démarche du CSA. De la même manière, les destinataires de ce document seront non seulement les institutions, les différents professionnels intervenants au cours du processus de réalisation d’une version audio-décrite et les commanditaires, mais également les équipes de production, de post-production et de distribution, tout comme les associations représentatives de personnes déficientes visuelles. Nous précisons que la version audio-décrite des programmes cinématographiques et audiovisuels intéresse également les spectateurs déficients intellectuels. Nous notons enfin qu’un travail reste à fournir pour inciter les réalisateurs à prendre en compte cette version adaptée de leurs œuvres.

Ainsi formulons-nous le vœu que l’entreprise dans laquelle nous sommes lancés réponde à ses ambitions : dessiner une position commune et exigeante qui œuvre à la professionnalisation d’une pratique afin de garantir aux bénéficiaires une accessibilité qui allie expansion et qualité.

Table des matières

I.DES OUTILS D’ÉVALUATION DE LA QUALITÉ POUR RÉPONDRE AUX ATTENTES DES BÉNÉFICIAIRES 5

  1. Le projet de la Version Audio-Décrite – ou VAD 5
  2. L’Objet de l’évaluation 5
  3. Les Évaluateurs 6
  4. Les Principes essentiels 7
  5. Échelle d’évaluation 9
    1. Phase d’écoute de la version AD sonore, sans image, et (si possible) sans avoir vu le film. 10
    2. Phase comparative – Visionnage du film original 11

II. LE PROCESSUS POUR PARVENIR À UNE VERSION AUDIO-DÉCRITE DE QUALITÉ (VAD) 14

  1. Professionnalisme 14
    1. L’auteur 14
    2. Le consultant non-voyant 14
    3. Les formations 14
  2. De la commande à la VAD 15
    1. Commande et Accusé de réception 15
    2. Matériel fourni à l’auteur 15
    3. Étapes de la réalisation d’une VAD 16
  3. Statut, Rémunération, délais et respect de l’auteur et des intervenants dans la fabrication de la VAD 17
    1. Statuts et rémunérations 17
    2. délais de règlement 18
    3. respect de l’auteur et des intervenants dans la fabrication de la VAD 18
  4. Pérennité (homogénéité) des VAD 19

CONCLUSION 19

I.DES OUTILS D’ÉVALUATION DE LA QUALITÉ POUR RÉPONDRE AUX ATTENTES DES BÉNÉFICIAIRES

  1. Le projet de la Version Audio-Décrite – ou VAD

La version audio-décrite est une déclinaison fidèle de l’œuvre originale. L’œuvre originale peut provenir de tous les domaines des arts visuels ou du spectacle vivant. Si la VAD peut être appréciée par tout un chacun, elle existe avant tout à l’usage des publics non ou mal-voyant dont elle pare aux manques. Elle devient l’original du public en situation de handicap visuel et elle peut également intéresser les publics en situation de déficience intellectuelle. Elle est l’objet qui permet le partage avec l’ensemble des spectateurs et des téléspectateurs. Cela aurait pu être une autre version avec un autre auteur de VAD. Ce sera celle-là. Ainsi la VAD constitue-t-elle une œuvre de création à part entière. Pour toutes ces raisons, l’exigence de qualité par le spectateur déficient visuel est légitime.

Une œuvre cinématographique ou audiovisuelle est constituée de l’intrication des éléments visuels avec les éléments sonores, dans un déroulement temporel précis.

La réussite d’une œuvre réside dans sa capacité à entraîner les spectateurs dans un univers singulier. Dans les métiers du cinéma, on utilise l’expression « ça fonctionne » pour  indiquer la réussite de cette immersion. Lorsque « ça ne fonctionne pas », le spectateur « sort du film », il « décroche », parce que quelque chose est raté. Dans la version audio-décrite, le visuel sera transmis par la narration d’audiodescription qui devra se caler avec précision sur la bande sonore entre les dialogues en respectant le plus possible les bruitages et les musiques. Il faudra donc trouver un nouvel équilibre entre tous les éléments en jeu pour que la VAD « fonctionne » et recrée l’effet d’immersion spécifique de l’œuvre de départ. 

  1. L’Objet de l’évaluation

La restitution de l’expérience globale est le critère principal à évaluer : la version audio-décrite proposée permet-elle de « vivre » – presque – le même film ? (Vivre exactement le même film est évidemment impossible). 

Cela implique qu’on ne peut qu’évaluer la VAD d’un film dans son intégralité, non pas des extraits sortis de leur contexte.

La compréhension de la situation, l’exactitude de la description des éléments visuels, un texte correctement écrit sont des facteurs indispensables, mais ne suffisent pas à créer une version audio-décrite de qualité. 

Dans un deuxième temps, une évaluation analytique et comparative sera donc également nécessaire

En effet, rechercher avant tout une restitution d’expérience ne donne pas toutes les libertés. L’auteur de la VAD s’engage aussi à restituer aussi fidèlement que possible le contenu des images et leur temporalité, même s’il doit faire des choix parmi ces contenus et adapter certains éléments visuels ou temporels.

Il faudra alors se demander : la VAD transmet-elle avec exactitude le contenu narratif tel que la progression du récit et les points de vue adoptés ? Les nuances du visuel sont-elles restituées avec précision ? Les choix de mise en scène et les partis pris esthétiques sont-ils perceptibles ? L’expérience de la VAD propose-t-elle le même niveau de facilité et de confort que celle de l’œuvre de départ ? Le texte descriptif est-il clair et fluide ?

  1. Les Évaluateurs

L’évaluation peut être commandée par une institution indépendante dont ce serait la mission  (le CSA par exemple), ou par toute institution qui subventionne l’audiodescription et qui souhaite contrôler le bon usage des deniers publics (le CNCIA par exemple).

Dans l’idéal, elle pourrait être réalisée par une équipe d’évaluation (ex. deux personnes, dont une déficiente visuelle).

Écrire une version audio-décrite est un travail complexe, l’évaluer l’est donc forcément aussi. Les évaluateurs doivent avoir des connaissances approfondies dans le domaine de l’œuvre de départ (cinéma, télévision, documentaire, etc.), des aptitudes dans le domaine de l’écriture, ainsi qu’une grande sensibilité aux univers sonores

De réelles compétences dans le domaine de l’audiodescription sont évidemment attendues. En effet, les évaluateurs doivent impérativement être capables de comprendre les objectifs, « le cahier des charges » de la VAD pour pouvoir évaluer sa réalisation en fonction des spécificités de chaque œuvre et indépendamment de la qualité de l’œuvre originale. Sans être pour autant auteurs de VAD, ils doivent connaître et maîtriser un certain nombre de principes essentiels que nous rappelons ci-dessous.

Pour acquérir ces compétences, il leur est recommandé de suivre une formation à la réalisation audio-descriptive et d’assister quand ils le peuvent aux séances de travail entre le consultant déficient visuel et l’auteur.

  1. Les Principes essentiels

Le but ici n’est pas d’exposer toute la complexité de l’audiodescription, ce document n’est pas une méthode de formation accélérée. Nous rappelons simplement les outils de réflexion qui permettent de réaliser une évaluation sur une base correcte.

Le choix des éléments à décrire doit se faire en fonction de l’œuvre pour atteindre l’objectif fondamental de la version audiodécrite. Chaque œuvre est unique.

Il serait absurde d’imposer des consignes communes à tous les films en faisant une liste des éléments à décrire supposée s’appliquer à chaque fois. Ils sont à choisir  fonction de chaque œuvre, de chaque séquence, et surtout pas selon une nomenclature préétablie. Dans certains cas même, il ne faudra rien décrire et c’est justement le silence qu’il faudra absolument respecter.

Voir c’est interpréter :

Il n’existe pas de vision « objective ». Décrire met forcément en jeu la subjectivité, mais une subjectivité soumise à l’exigence de fidélité à l’oeuvre de départ.

On entend ou on lit souvent à propos de l’audiodescription :  « il ne faut pas interpréter » alors qu’il est établi que toute vision est une interprétation par le cerveau. Ce que nous « voyons » résulte de choix conscients ou inconscients.

Notre interprétation du visuel est conditionnée par un grand nombre de facteurs contextuels, notamment sonores et narratifs dans le cas du cinéma. Il conviendrait plutôt de dire qu’il ne faut pas extrapoler ou surinterpréter une image ou une séquence en y plaquant ses propres jugements ou en se laissant aller à sa propre imagination sans se préoccuper d’être rigoureusement fidèle à l’œuvre de départ.

– Expliquer n’est pas décrire, mais décrire une image sans lui donner son sens n’a aucun intérêt.

Le texte de description doit donc faire exister l’image et son contenu sémantique. En fonction de la place disponible, l’auteur devra trouver le bon équilibre, la bonne position du curseur entre description et transmission du sens.

– Le cinéma est une œuvre temporelle qui se perçoit « ici et maintenant ».

La manière dont les éléments narratifs sont répartis dans le temps est choisie avec soin par les auteurs de l’œuvre et vise à créer des effets spécifiques comme le suspense ou la surprise. Il est important que la VAD respecte, dans la mesure où cela est possible, la place temporelle de ces informations narratives pour ne pas détruire l’effet voulu par les créateurs de l’œuvre de départ.

S’il n’est pas possible de décrire un élément au moment précis de son apparition (costumes, décors, etc) la description pourra intervenir à un autre moment, si c’est de manière subtile, intégrée à une action par exemple, et sans que cela fasse sortir du film.

– Écriture :

L’auteur est maître de ses choix d’écriture et peut utiliser toute la richesse de la langue française pour servir les objectifs de la VAD.

Il n’est pas question ici de poser des interdits ou des consignes,  mais il faut souligner la nécessité pour le texte  d’être évident et clair, fluide et agréable à écouter, avec un niveau de langage, un rythme et un style en phase avec l’œuvre. L’image s’exprime dans un présent permanent, un « ici et maintenant » qui est propre à l’expérience cinématographique. L’auteur s’attachera à respecter et recréer cet effet dans son écriture.

Le texte doit évidemment être écrit dans un français correct et ne comporter ni fautes, ni maladresses. Les outils de références de l’écrit sont connus : Grevisse, Robert, TILF, CNRTL etc.

Choix du niveau de réalité de l’image qu’il convient de décrire en fonction de l’œuvre :

La grammaire élémentaire de l’image nous apprend qu’une image de film de fiction par exemple représente trois réalités différentes. On peut donc l’interpréter etla décrire de trois manières différentes qui sont souvent contradictoires.

1- La réalité de la fabrication : taille de l’image, matériau, définition, procédés techniques de fabrication, cadrage, axe, focale, déplacement de caméra, disposition des projecteurs, etc.

2- La réalité de l’univers fictif, réalité de « l’histoire ». Les personnages, les lieux où l’action est supposée se dérouler, les actions, etc. qui appartiennent au récit et font exister son univers spécifique. (Réalité diégétique.) 

3- La réalité extérieure à l’univers narratif : les acteurs, les lieux réels du tournage, etc. (Réalité extradiégétique.)

La plupart des œuvres audiovisuelles actuelles – mais pas toutes- ont pour objectif de plonger le spectateur dans la réalité de l’univers fictif. Cette immersion est fragile et l’irruption d’informations brutes sur sa fabrication ou sur la réalité extérieure détruit l’illusion recherchée par les créateurs de l’œuvre de départ. Cela ne veut pas dire que l’on renonce à rendre compte de l’esthétique de la réalisation, mais que cela ne peut se faire que de façon subtile en travaillant son écriture, son rythme et son style.

(D’autres cas de figure sont développés en notes, voir annexe .)

– Une voix ou deux voix de narration d’audiodescription ?

Deux options sont envisageables :

Dans certains cas, une seule voix établira un lien discret et ininterrompu entre le film et le spectateur DV  auquel il permettra de vivre son expérience de manière fluide. 

Mais dans d’autres cas, deux voix (l’une féminine et l’autre masculine) rendront plus évident le découpage narratif du film.

  • Les changements de voix devront se placer au moment des ruptures narratives, et non pas pour les changements de lieux comme cela a pu être dit parfois, une même séquence pouvant très bien se dérouler dans une succession de lieux différents. Dans certains films l’usage de deux voix est même indispensable pour faire exister plusieurs niveaux narratifs différents qui s’entremêlent. 
  • La présence de sous titres peut également nécessiter deux voix, afin de les enregistrer en “voix superposée” en attribuant les sous-titre des personnages féminins à une voix de femme et les sous-titres des personnages masculins à une voix féminine.

Chaque cas étant unique, ce choix revient à l’auteur de la VAD. En tout état de cause, il ne peut pas être dicté par de pures considérations financières.

Cela nécessite que l’auteur ait les compétences pour prendre ces décisions, qu’il soit capable de comprendre le rythme narratif global et faire les bons choix. Pour des raisons de planification, cette décision ne peut pas se prendre au moment de la vérification avec le consultant non-voyant, mais l’auteur prendra son avis en amont.

  1. Échelle d’évaluation

Une échelle chiffrée pourrait aider à mesurer et concrétiser l’évaluation, mais devra être accompagnée d’un compte-rendu écrit. Il conviendra de présenter la grille des résultats dans son ensemble pour se faire un avis, l’audiodescription ne pouvant pas être notée de façon globale.

Chaque élément pourra être évalué de 1 à 5, où 1 correspond à « pas du tout, très mal » et 5 correspond à « tout à fait, très bien ».

– Certaines erreurs ou omissions sont manifestes.

– D’autres éléments sont à apprécier de façon plus subjective.

PROPOSITION DE MÉTHODE PRATIQUE : « questionnaire qualité » en deux phases :

  1. Phase d’écoute de la version AD sonore, sans image, et (si possible) sans avoir vu le film.
    1. Approche globale, sans idées préconçues, comme un spectateur lambda

* Est-ce que la version audiodécrite du film fonctionne ? Ai-je vécu une expérience d’immersion cinématographique ?

  1. Défauts flagrants détectables en phase 1

* Ai-je compris sans avoir à réécouter certains passages, où se situait l’action, qui l’effectuait, quelle était l’action, etc. ?

 ( Note  : nous parlons des problèmes de compréhension causés par des défauts de l’audiodescription, pas de ceux posés par un film volontairement opaque. La phase 2 permettra de confirmer ce point.)

* Ai-je constaté que l’AD respectait la bande son du film, sans recouvrir des dialogues et m’empêchait de comprendre certains passages du film ?

* L’AD décrit-elle bien les images, sans se contenter d’expliquer l’intrigue ? Le sens des images décrites est-il clair  ?

* Ai-je pu me faire une image mentale précise des personnages, des décors, de l’époque ?

* L’AD est-elle bien dosée et donc ni trop pauvre ni trop présente ?

*  Suis-je resté dans l’univers fictionnel de l’œuvre sans que l’AD m’en fasse sortir ? (par des termes  techniques de prises de vues, par exemple.)

* Le descripteur abordait-il le film sans faire de critiques ou émettre d’opinions purement personnelles ?

*  L’AD m’a-t-elle donné les principales informations artistiques des génériques, au début ou à la fin de la VAD, dans le respect du son du film ? 

  1. Défauts détectables en phase 1, écriture

*  Ai-je apprécié la qualité du français sans remarquer de fautes de grammaire ou de vocabulaire, impropriétés, maladresse et lourdeurs ?

*  Ai-je apprécié le style sans être gêné par un manque de fluidité, de la confusion, une pauvreté de style ou des structures minimalistes et répétitives, fastidieuses à écouter ?

  1. Évaluation de l’enregistrement

*  Sur un plan technique, est-ce que l’AD est bien intégrée à la bande-son du film ? Le mixage est-il bien fait ?

* Le son est-il de bonne qualité ? (échantillonnage)

* Le texte de l’AD est-il bien interprété ? l’interprétation permet-elle l’immersion dans le film ?

Est-elle juste, nuancée et sensible et non pas froide et morne, en surjeu et intrusive, ou inutilement explicative ?

*  La voix est-elle agréable ? La diction correcte ?  Sans débit de parole trop lent ou trop rapide qui perturberaient l’écoute et la compréhension ?

*  Le choix d’une seule voix ou de deux voix permet-il de suivre au mieux le film ? Le découpage narratif est-il restitué avec évidence ?

  1. Phase comparative – Visionnage du film original
    1. Comparaison avec l’impression produite par la version audiodécrite

* Mon expérience en regardant le film est-t-elle proche, comparable à celle que j’ai éprouvée lors de l’écoute sans images ?

* Est-ce que je retrouve les mêmes ressorts dramatiques : effets, humour, suspens, émotions, poésie, etc. ?

* Est-ce que je reconnais le projet et les intentions des auteurs de l’œuvre tels que je les avais compris dans la version audiodécrite ?

  1. Expérience visuelle

* Ai-je relevé au visionnage des erreurs flagrantes :  erreurs ou omissions de descriptions concernant des éléments factuels importants ? Erreurs de lieux, de personnages ou d’objets, etc. alors qu’il y a le temps de placer les éléments en question et qu’ils sont importants pour la narration ? (5 : pas d’erreurs, 1 : de nombreuses erreurs)

* Ai-je remarqué des erreurs ou omissions d’éléments d’interprétation importants (expression d’un visage ou d’un regard par exemple, impression laissée par un décor, alors qu’il y a du temps pour le dire et qu’il s’agit d’une donnée importante) ? (5 : pas d’erreurs, 1 : de nombreuses erreurs)

*  La richesse, la complexité et les connotations de l’image sont-elles bien rendues par la description ?

  1. Expérience temporelle.

* La description recrée-t-elle bien le déroulement du film, au présent (ici et maintenant) ?

*  La chronologie des informations de l’œuvre originale est-t-elle respectée ?

* Le rythme des séquences filmées est-il respecté par leurs descriptions (trop lentes ou trop rapides par rapport à la version originale) ?

* Les descriptions sont-elles précisément placées par rapport aux bruitages pour faire exister l’image sonore ?

  1. Évaluation de l’écriture par rapport au film.

* Le style de la description me paraît-il en adéquation avec le style du film ?

* La description m’apporte-t-elle un rendu de l’esthétique du film ?

* Le niveau de langage de la description correspond-il à l’univers esthétique du film dans sa globalité (dialogue, mais aussi poésie ou violence de l’image, univers aseptisé ou cru, etc.) ?

RÉSULTAT :

Vous trouverez en annexe 1, et ci-dessous, une grille des résultats permettant l’apprécier visuellement le niveau général, ou avec le degré de détail souhaité, avec un emplacement pour l’avis global motivé de l’évaluateur et la réponse de l’auteur.

II. LE PROCESSUS POUR PARVENIR À UNE VERSION AUDIO-DÉCRITE DE QUALITÉ (VAD)

  1. Professionnalisme
    1. L’auteur

L’auteur de VAD doit avoir un solide bagage cinématographique et une excellente maîtrise de la langue. S’il sait analyser une image, il doit aussi savoir être synthétique dans le respect des intentions du réalisateur : choix de mise en scène et partis pris esthétiques.

Ces compétences peuvent être acquises de façons très diverses selon les itinéraires professionnels de chacun. Mais quel que soit son parcours, il doit aussi être formé par des auteurs et des consultants non-voyants expérimentés et reconnus. “Il doit être sensibilisé régulièrement à la déficience visuelle” (cf texte de la CFPSAA en lien avec Retour d’Image) Il doit être au service de l’oeuvre dont il écrit la VAD et attentif aux attentes des personnes DV.

  1. Le consultant non-voyant 

Comme l’a souligné le texte de la CFPSAA, il est nécessaire pour l’auteur de “bénéficier au niveau de la relecture d’une personne déficiente visuelle (DV) formée à l’audiodescription”.

Ce consultant doit avoir une bonne culture cinématographique et une bonne maîtrise de la langue. Lui aussi doit être formé.

  1. Les formations

Beaucoup trop de personnes s’improvisent auteur sans avoir été formées. Certaines font valoir une culture cinématographique et une bonne maîtrise de la langue, qualités qui, même si elles sont indispensables, ne suffisent pas à faire un bon auteur de VAD.

Il en va de même avec des consultants non-voyants qui n’ont pour compétence que leur cécité.

Ceci est dû à un manque de contrôle de la part de certains commanditaires qui espèrent remplir leurs obligations d’accessibilité à moindre coût.

Par ailleurs, s’il existe des formations sérieuses, force est de constater que d’autres offres de formation émergent de tous côtés sans aucun contrôle sur leur sérieux. Ceci devra faire l’objet d’une étude ultérieure.

  1. De la commande à la VAD

La VAD n’est pas qu’un texte. Elle peut être considérée comme une partition musicale qui vient s’inscrire dans l’œuvre originale sans la trahir. L’auteur de la VAD, en tant que maître d’œuvre, doit donc pouvoir la suivre jusqu’au mixage s’il en a les compétences.

  1. Commande et Accusé de réception 

A défaut d’un contrat de cession, les relations entre l’auteur et les prestataires techniques sont pour l’heure placées sous le signe de la confiance réciproque. Ce principe, qui permet de rédiger peu d’écrit, est parfois source de confusions et de risques pour l’ensemble des protagonistes, c’est pourquoi il est recommandé au prestataire de confirmer la commande à l’auteur par écrit (courriel) en précisant la nature de l’œuvre à adapter, son titre, sa durée, la date de la fourniture des éléments, la date de l’enregistrement, la date de la vérification avec le consultant DV si celle-ci est organisée par le prestataire, la destination de la VAD (diffuseur), et le montant de la rémunération. L’auteur confirmera par retour de courriel. 

Nous rappelons les conclusions du rapport Montluc (2012) et engageons toutes les parties à élaborer rapidement un contrat de cession pour que les utilisations des VAD entrent enfin dans un cadre légal. Cela permettrait de sécuriser tous les acteurs de la filière et éviterait que la diffusion des VAD soit compromise par des obstacles juridiques.

  1. Matériel fourni à l’auteur
  2. Support

Un support image et son de qualité avec time code incrusté, lisible et discret.

Le tatouage ou watermark abîme la lisibilité de l’image, et peut entraver la description. S’il ne peut être évité, il pourrait sans doute se faire le plus discret possible.

  1. Scénario, dossier de presse.

Dans la mesure du possible (particulièrement pour tous les films en cours de production), c’est un outil précieux pour la qualité du travail. On y trouve de précieuses informations sur les personnages, les lieux, les décors, les intentions du réalisateur, etc.

Les dossiers de presse sont aussi des documents intéressants à fournir.

Le relevé de dialogues (que les prestataires fournissent très souvent à la place du scénario), n’est utile que pour retrouver des noms de personnages. Il ne peut donc en aucun cas remplacer le scénario.

  1. Étapes de la réalisation d’une VAD 

En plus de la relecture par un consultant non voyant (cf chap 1 par B) les auteurs préconisent la relecture en amont par un deuxième auteur voyant  (nommé “l’auteur collaborateur”) qui pourra éviter au premier auteur des erreurs non perceptibles par le consultant non-voyant. Le travail en binôme d’auteurs est aussi possible. Dans ce cas, chaque auteur est rémunéré en fonction du minutage attribué et l’intervention d’un auteur collaborateur n’est pas nécessaire. 

Chaque projet à audiodécrire étant unique quant à sa durée et à sa difficulté, nous prendrons l’exemple d’un film de 90’ d’une difficulté moyenne et en version originale francophone. Un délai idéal d’un mois est recommandé entre la réception des éléments par l’auteur et la livraison de la VAD. C’est dans ces conditions idéales que nous détaillons comme suit :

  1. Partie écriture
  • Ecriture : 3 x 5 jours (à compter de la remise du matériel par le commanditaire)
  • Relecture par l’auteur collaborateur, échange entre l’auteur et l’auteur-collaborateur pour aboutir à une version corrigée, vérification avec un consultant non voyant : de 1 jour et demi à 3 jours, (compris dans les 3×5 jours d’écriture) 
  • Ajustements à faire après la relecture par le « client » qui va proposer ou demander des corrections (moins d’une demi-journée) 
  1. Partie son
  • enregistrement : ½ journée à une journée

– L’artiste interprète (si ce n’est pas l’auteur) et l’ingénieur du son doivent avoir pu prendre connaissance du film avant l’enregistrement (et du texte pour l’interprète).

Le calage (ou montage) se fait à l’enregistrement.

– Si l’auteur enregistre lui-même, il pourra veiller au calage de son texte avec l’ingénieur du son. S’il n’enregistre pas lui même et s’il en a les compétences, il pourra assurer le rôle de directeur artistique et superviser sa VAD jusqu’au mixage. A défaut, la présence d’un directeur artistique au fait des spécificités de la VAD peut s’avérer nécessaire.

– Le texte ne pourra pas être modifié lors de l’enregistrement sans l’accord de l’auteur. L’enregistrement n’est plus le moment des corrections (mis à part des erreurs flagrantes, telle le nom d’un personnage). Outre les considérations matérielles (rallongement du temps d’enregistrement) cela générerait des risques d’erreurs nuisibles à la qualité et à la cohérence de la VAD. Le consultant professionnel déficient visuel doit intervenir AVANT l’enregistrement.

  • mixage : de ½ journée à une journée en fonction de la difficulté. et du type de mixage à effectuer (mise à niveau des voix pour livrer une piste audiodescription seule ou mixage de l’audiodescription avec le son du film).

– Idéalement, une écoute intégrale sera faite avant les sorties et le fichier son sera envoyé à l’auteur en même temps qu’au client pour validation.

  1. Statut, Rémunération, délais et respect de l’auteur et des intervenants dans la fabrication de la VAD
  2. Statuts et rémunérations
  • L’auteur : 

L’auteur de la VAD a le statut d’auteur et est donc rémunéré en droits d’auteur.

Cette rémunération constitue un minimum garanti en contrepartie du temps consacré à l’écriture et aux différentes phases de relecture de la VAD commandée. 

Ce minimum garanti est un tarif à la minute. Étant donné l’investissement de l’auteur sur la VAD, et pour répondre à l’attente en matière de qualité des commanditaires et des personnes DV, le tarif minimum recommandé est de 25 € brut la minute (auteur-collaborateur compris, et hors consultant non-voyant).

Les auteurs rappellent la nécessité de voir le montant du minimum garanti suivre une certaine progression (ne serait-ce que le taux d’inflation).

Les auteurs demandent que leurs droits soient perçus et répartis par les sociétés de gestion collective (SACD/SACEM/SCAM) comme tout auteur de l’audiovisuel, dont les auteurs de doublage et de sous-titrage. Ils  auraient ainsi la possibilité de percevoir des droits de diffusion sur l’exploitation de leur travail. Ceci fera l’objet d’une annexe dans les mois qui viennent.

NB : Si l’auteur doit intervenir en tant que directeur artistique ou en tant qu’interprète, les rémunérations de ces travaux se font en sus et en salaire.

  • l’auteur collaborateur : 

Le tarif forfaitaire préconisé pour deux jours de travail est de 300 € en droit d’auteur (compris dans l’enveloppe auteur de 25 € la minute). Ce forfait devrait être augmenté en fonction de la durée et de la difficulté de l’œuvre.

  • Consultant non-voyant :

Il peut être rémunéré en salaire ou en droits d’auteurs, l’AGESSA acceptant les relectures/vérifications comme “aide à l’adaptation”. Ce choix doit lui revenir en fonction de sa situation. Le tarif forfaitaire préconisé se situe entre 200 et 250 € brut. Ce forfait devrait être augmenté en fonction de la durée et de la difficulté de l’œuvre.

  1. délais de règlement

La loi d’août 2008 est venue encadrer les délais de règlement en France. 

Les entreprises qui fournissent des VAD connaissent, comme leurs homologues d’autres secteurs d’activités, des difficultés de paiement et un allongement chronique des délais de règlement. Certaines entreprises ne répercutent pas cet allongement sur les auteurs, d’autres si. Cette situation est difficile à vivre pour un auteur, personne privée et non commerçante.

En tout état de cause, les délais de règlement ne devraient pas excéder 45 jours fin de mois à réception de la note d’auteur.

Une rencontre annuelle, au minimum, devrait se tenir entre les représentants des auteurs, des entreprises et des commanditaires sur la question des tarifs. Le CNC y jouerait un rôle de coordination.

  1. respect de l’auteur et des intervenants dans la fabrication de la VAD
  • Citation au générique

Doivent figurer au générique :

  • les noms du ou des auteurs
  • les noms de l’auteur-correcteur et du consultant
  • les noms des artistes interprètes et du directeur artistique (le cas échéant)
  • le nom de l’ingénieur du son et du studio
  • Envoi du travail fini à l’auteur

L’auteur, le correcteur et le consultant doivent pouvoir disposer d’une copie audio (son film + son audiodescription) du travail fini. Cela leur permettra par ailleurs de faire évoluer leur pratique dans un but de perpétuel progrès.

  1. Pérennité (homogénéité) des VAD

Nous reprenons là une demande figurant dans le texte de la CFPSAA :

“Dès lors qu’une VAD existe, elle doit impérativement accompagner l’œuvre durant toute sa vie quel que soit le support de transmission (cinéma, télé, replay, DVD, VOD, smartphones, ordinateurs, etc). C’est à dire qu’elle doit être associée pleinement à l’œuvre.”

Pour cela, il est nécessaire d’améliorer la traçabilité ou le référencement des

audiodescriptions pour éviter de refaire, et parfois mal, des adaptations qui existent déjà.

CONCLUSION

Nous espérons avoir permis au lecteur de mieux saisir les principes, techniques et enjeux, de la réalisation et de l’évaluation d’une version audiodécrite, et ceci dans le but de l’aider à évaluer une version audiodécrite.

Notre but est de généraliser les bonnes pratiques et de défendre une discipline et une profession. 

Les deux parties présentées ici, principes & évaluation et conditions de production, sont indissociables à nos yeux pour garantir une qualité des versions audiodécrites en adéquation avec le niveau d’exigences imposé par le cinéma et la production audiovisuelle et nous souhaitons qu’elles soient diffusées conjointement.

Nous sommes enthousiastes à l’idée que ce document puisse motiver commanditaires, auteurs, consultants, directeurs artistiques, artistes-interprètes, ingénieurs du son, tous les acteurs institutionnels ainsi bien sûr que les associations de personnes déficientes visuelles à collaborer pour offrir aux publics concernés une véritable accessibilité du cinéma, et nous restons à l’écoute de tous.